Historique

La Situation en RCA

Depuis décembre 2013, la République Centrafricaine (RCA) traverse un conflit violent et ses institutions connaissent une crise profonde. Plus de 800.000 personnes  ont été déplacées et toutes les parties au  conflit ont été impliquées dans de graves violations et abus des droits de l’homme ainsi que du droit international humanitaire (DIH). Ces violations  et abus incluent le meurtre, la torture, les violences sexuelles et celles basées sur le genre. On estime qu’entre 3.000 et 6.000 personnes ont été tuées depuis le début de la crise de 2013. Ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur réelle des crimes commis et leur impact sur la société centrafricaine. Le pays est encore dans une situation d’instabilité et presque toutes les zones habitées en dehors de Bangui sont toujours sous le contrôle des groupes armés. L’impunité totale pour les crimes commis lors des précédents conflits et la faiblesse des institutions  centrafricaines sont les causes  majeures du conflit en cours.

Cette situation a conduit les autorités centrafricaines, appuyées par la communauté internationale, à prendre des mesures rapides destinées à lutter contre l’impunité pour les crimes graves qui ont été commis. C’est ainsi qu’en  août 2014 intervenait la signature d’un Mémorandum d’entente entre le Gouvernement centrafricain et  la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unions pour la stabilisation en République  centrafricaine (MINUSCA), par lequel le Gouvernement s’était engagé à créer par voie législative, une Cour Pénale Spéciale (CPS) qui dispose de compétences pour enquêter, instruire et juger toutes les violations graves des droits humains et les violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire centrafricain. En exécution de cet engagement, la République centrafricaine a promulgué en juin 2015, la loi organique n°15.003 portant création, organisation et fonctionnement de la CPS dotée de compétences élargies aux crimes énumérées ci-dessus  et couvrant la période du 1er janvier 2003 à nos jours.

La CPS

La CPS a été créée pour juger les responsables de violations graves des droits de l'homme, en complément des procédures menées par la Cour pénale internationale (CPI), et sans priver de leur compétence les juridictions pénales centrafricaines ordinaires. Créée pour une durée de cinq ans renouvelable, la CPS est compétente pour enquêter, instruire et juger les violations graves des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire, commis sur le territoire de la République centrafricaine depuis le 1er janvier 2003, telles que définies par le Code pénal centrafricain et en vertu des obligations internationales contractées par la République centrafricaine en matière de droit international, notamment le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre objets des enquêtes en cours et à venir.

L’originalité de cette Cour est que tout en étant d’essence nationale, elle s’inspire des lois et des pratiques internationales en vigueur au sein des juridictions internationales, et prévoit un mécanisme de collaboration avec la CPI. Il s’agit aussi d’une des rares initiatives en République centrafricaine visant à poursuivre les auteurs de crimes et de violations graves des droits de l’homme, ce qui est de nature à contribuer fortement à la restauration de la paix et de la sécurité dans le pays. La composition de cette Cour est mixte avec en son sein des magistrats nationaux et des magistrats internationaux. Si la CPS est de droit centrafricain et intégrée dans l’ordre judiciaire centrafricain, il est néanmoins explicitement prévu qu’elle ne peut prononcer la peine de mort (alors même que celle-ci demeure en vigueur dans le Code pénal national). En outre, la loi prévoit expressément qu’il ne peut y avoir d’immunité du fait des fonctions officielles (parlementaires, membres de gouvernement, hauts gradés) pour les personnes poursuivies au titre des violations graves dont traite la Cour, et qu’il ne peut y avoir prescription pour les crimes couverts par la CPS.

L’objectif de la consultance est d’aider à l’élaboration du Règlement de procédure et de preuve de la CPS pouvant permettre d’organiser la gestion des preuves et l’harmonisation des procédures devant la CPS. Ce Règlement est un document essentiel pour une juridiction comme la CPS. L’article 5 de la loi No15-003 portant création de la CPS dispose que « Sous réserve des disposition spécifiques contenues dans la présente loi et dans les règlements pris pour son application, les règles de procédure applicables devant la Cour Pénale Spéciale sont celles prévues par le Code de Procédure Pénale de la République Centrafricaine ». L’article 3 de la loi dispose que  «La Cour Pénale Spéciale peut se référer aux normes substantives et aux règles de procédure établies au niveau international, lorsque la législation en vigueur ne traite pas d'une question particulière, qu'il existe une incertitude concernant l'interprétation ou l'application d'une règle de droit centrafricain ou encore que se pose la question de la compatibilité de celui-ci avec les normes internationales». La principale implication de ces dispositions est que même si les procédures de la CPS doivent normalement être régies par le Code de procédure pénal centrafricain, certaines questions spécifiques, telles que celle de la protection des victimes (inscrites dans la loi) ne sont pas organisées par le droit national, tandis que des carences textuelles, ou liées à la pratique judiciaire en Centrafrique, ainsi que des incompatibilités entre les normes nationales et internationales peuvent être résolues à travers l’élaboration d’un Règlement de procédure et de preuve. Le Règlement de procédure et de preuve devra également contenir des dispositions organisant les fonctions de gestion et de support nécessaires au fonctionnement de la Cour (y compris les fonctions de greffe, de gestion des ressources humaines, du budget, des équipements et bâtiments, de la sécurité, de la protection des victimes et témoins, de la communication et de l’assistance judiciaire). L’objectif de la consultance sera donc également de formuler des propositions d’organisation de ces fonctions au sein de la Cour. Ces propositions seront basées sur une analyse des capacités nationales dans ces domaines de gestion et de support ainsi que sur une analyse des avantages comparatifs des structures et procédures de gestion des cours et tribunaux internationaux, hybrides et nationaux présentant des similarités avec la CPS.

L’appui des Nations Unies dans le domaine de l’Etat de droit en RCA

Les Nations Unies appuient les autorités nationales en RCA à rétablir le système de justice pénale afin de lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves. Depuis 2015, en vertu des résolutions 2217 (2015) et 2301 (2016) du Conseil de Sécurité, la MINUSCA a pour mandat, parmi ses tâches prioritaires, entre autres de faciliter la coordination et la mobilisation de l’appui bilatéral et multilatéral en faveur de la mise en place et du bon fonctionnement de la Cour pénale spéciale. Dans la résolution 2301(2016) qui a prolongé le mandat de la MINUSCA jusqu’au 15 novembre 2017, le Conseil de Sécurité des Nations Unies  a demandé à la Mission de « fournir une assistance technique aux autorités centrafricaines, en association avec d’autres partenaires internationaux, pour la mise en place de la Cour pénale spéciale nationale, conformément aux lois et à la juridiction de la République centrafricaine et dans le respect des obligations de celle-ci en matière de droit international humanitaire et de droit international des droits de l’homme, afin de contribuer à l’extension de l’autorité de l’Etat ».

Le PNUD, la MINUSCA et ONU Femmes œuvrent ensemble dans le cadre du Point focal global (GFP) sur la police, la justice et les prisons pour fournir une assistance coordonnée dans le domaine de  l’Etat de droit. Depuis juillet 2014, ces entités travaillent en étroite collaboration pour soutenir la lutte contre les violations des droits de l’homme et la redynamisation du système judiciaire en RCA (Projet Conjoint). Le Projet Conjoint appuie aussi bien le secteur de la justice que celui de la sécurité en aidant à renforcer les structures communautaires de base et les institutions chargées de l’Etat de droit.

La MINUSCA et le PNUD ont élaboré un projet conjoint d’appui à la CPS conformément aux résolutions ci-dessus mentionnées. Le Document du dit projet a été signé par le Gouvernement et les Nations Unies,et co-signé par les ambassadeurs des Etats Unis et de la France en RCA, le 26 août 2016.

Devoirs et responsabilités

Objectif général :

L’objectif de la consultance est d’appuyer la CPS dans l’élaboration de son Règlement de procédure et de preuve, et cela y compris les aspects de la procédure se rapportant à la structure et à la gestion et la gouvernance de la Cour. Ceci sera accompli à travers la préparation d’une note d’analyse sur les questions clés de gouvernance, de procédures et de preuves et la rédaction d’un projet de Règlement qui sera transmis à la CPS pour examen et adoption.

Tâches :

Avec l’appui de l’Unité d’appui à la CPS de la MINUSCA et de l’équipe du projet CPS du PNUD, le ou la candidat(e) choisi(e) entreprendra les tâches suivantes:

  • Définir un processus d’élaboration du Règlement de procédure et de preuve. Le processus doit être participatif et inclure les autorités nationales, y compris les juges, les procureurs, les greffiers, les juristes de la CPS, les partenaires, les organisations de la société civile, la MINUSCA, le PNUD, la CPI et les autres parties prenantes.
  • Préparer un document d’inventaire et d’analyse sur les questions clés de la procédure et de la gouvernance devant la CPS. Cette analyse doit notamment comporter une évaluation des dispositions du Code de procédure pénale centrafricain et plus largement du droit centrafricain, ainsi qu'une évaluation des pratiques judiciaires centrafricaines en matière de procédure et de preuves, visant à déterminer lesquelles sont applicables à la CPS et lesquelles pourraient entraver l’efficacité et l’indépendance de la Cour,Ce document établira également un inventaire et une analyse des incompatibilités entre les normes nationales et internationales qui pourraient être résolues par le Règlement de procédure et de preuve. Le document devra également inclure un inventaire et une analyse des fonctions de gestion et de support nécessaires au fonctionnement de la Cour (en ce compris les fonctions de greffe, de gestion des ressources humaines, du budget, des équipements et bâtiments, de la sécurité, de la protection des victimes et témoins, de la communication, et de l’assistance judiciaire) et une ou plusieurs propositions d’organisation de ces fonctions au sein de la Cour. Ces propositions seront basées sur une analyse des capacités nationales dans ces domaines de gestion et de support et sur une analyse des structures des cours et tribunaux internationaux, hybrides et nationaux présentant des similarités avec la CPS.
  • Consulter avec les autorités nationales, les partenaires nationaux et internationaux, les organisations de la société civile et les autres parties prenantes impliqués dans le travail de la CPS.
  • Travailler en étroite collaboration avec les autres experts déployés ou engagés par la MINUSCA, le PNUD et d’autres partenaires pour appuyer la mise en place de la CPS., notamment en vue d’assurer l’intégration des recommandations formulées dans des domaines spécifiques tels que la protection des victimes et témoins, l’assistance judiciaire, ou la gestion de la CPS.
  • Élaborer un premier projet de Règlement de procédure et de preuve, informé par les documents d’inventaire et d’analyse préparatoire et par les consultations.
  • Organiser une table-ronde ou un séminaire regroupant les autorités nationales, les partenaires et les parties prenantes internationaux impliqués dans le travail de la CPS pour échanger sur la première mouture du Règlement de procédure et de preuve.
  • Finaliser le projet de Règlement de procédure et de preuve sur la base des observations et avis recueillis lors de la table-ronde. 
  • Organiser des consultations avec les membres de la CPS déjà nommés, intégrer leurs observations dans le projet de Règlement, et obtenir leur approbation.
  • Définir une procédure visant à assurer une familiarisation rapide des membres de la CPS avec ce Règlement de procédure et de preuve.
  • Produire des rapports d’activités mensuelles et un rapport narratif final qui donnent les détails des réalisations, les contraintes et les recommandations pour des actions futures.

Structure hiérarchique

Le consultant/la consultante sera basé (e) à Bangui et travaillera dans l’Unité d’appui à la CPS au sein de la Section Justice et Affaires Pénitentiaires de la MINUSCA. Le consultant pourra néanmoins proposer dans son offre technique la possibilité de travailler à distance pour la réalisation de certaines missions pour lesquelles sa présence à Bangui ne serait pas indispensable. Il ou elle travaillera sous la direction du Chef de l’Unité d’appui à la CPS de la MINUSCA, et en étroite collaboration avec les autres unités de la MINUSCA et les partenaires des Nations Unies impliqués dans le travail d’appui à la CPS. Il ou elle bénéficiera de l’appui technique de l’équipe du projet CPS du PNUD.

Compétences

Compétences pour l’organisation :

  • Faire preuve d’intégrité en respectant les valeurs et éthiques des Nations Unies;
  • Promouvoir la vision, la mission et les objectifs stratégiques des Nations Unies;
  • Respecter les différences culturelles, de genre, de religion, de race, d’âge  et de nationalité;
  • Traiter les collègues de manière juste et sans favoritisme.

Compétences pour les fonctions :

  • Une connaissance approfondie des procédures judiciaires et du contentieux, y compris les Règlements de procédures et de preuves ainsi que les Statuts et cours et greffes, dans un système judiciaire romano-germanique et devant les juridictions internationales;
  • Une bonne capacité de planification,d’organisation etdepriorisation;
  • Une capacité d’analyse et de synthèse et une capacité à trouver des solutions novatrices;
  • Une excellente capacité de communication interpersonnelleet unecapacitéà travailler dans une équipe multidisciplinaire et à susciter le changement;
  • Une forte capacité d'expressionécrite et orale et une excellente capacité à formuler des idéesde manière claire et concise;
  • L’ouverture et la volontéde s’adapter ainsi que la flexibilité dans les relations avec les collègues et partenaires;
  • Une bonne connaissance de l’outil informatique (Excel, Word, PowerPoint, Internet, etc.).

Qualifications et expériences requises

Niveau d’étude :

  • Un diplôme universitaire du troisième cycle (Masters ou équivalent) en droit, ou un diplôme dans tout autre domaine pertinent; un diplôme en droit international humanitaireou en droit pénal international serait un atout.

Expérience Professionnelle :

  • Au moins 10 ans d’expérience professionnelle comme magistrat, juriste ou avocat;
  • Expérience avérée et pointue dans le domaine de l’administration de la justice (en tant que juge, procureur, greffier, avocat ou juriste principal)dans un pays appliquant le système romano-germanique;
  • Expérience de travail dans un pays post-conflit et connaissance des questions liées à l’état de droit et aux droits de l’homme dans ce type de contexte;
  • Expériencede travail auprès des juridictions internationales ou auprès des cours hybrides est requise.
  • Expérience dans l’élaboration des cadres règlementaires juridiques;
  • Expérience dans le traitement des cas complexes et volumineux;
  • Excellentes capacités d’analyse, de recherches et d’enquêtes, y compris la capacité d’évaluer et de prendre en compte des informations de plusieurs sources.

Langue :

  • Une aisance dans l’utilisation du français aussi bien à l’oral qu’à l’écrit est exigée. Une excellente capacité de rédactionen français est requise;
  • La connaissance de l’anglais serait un atout.

Dossiers à fournir :

Les candidats intéressés doivent envoyer un CV mis à jour, le P11 (y compris 3 références) dument rempli et une lettre de motivation. Les candidats doivent aussi envoyer une proposition technique y compris leurs programmes de travail et suggestions techniques pouvant leur permettre d’atteindre les objectifs que vise la consultance. Une proposition financière distincte doit aussi être jointe au dossier.

Critères de sélection :

Le contrat sera accordé au consultant dont l’offre a été évaluée et acceptée en fonction des critères suivants:

  • Conformité avec les Termes de Reference de la consultance ;
  • Ayant obtenu le plus de points dans l’évaluationcombinée de l’offre technique (70%) et financière (30%);

Seuls les candidats ayant obtenu un minimum de 70 points pour l'évaluation technique seront considérés pour la phase suivante de la procédure de sélection.

Eléments de l’évaluation technique :

  • Diplômes : 10%
  • Nombre d’année d’expérience pertinente : 10%
  • Références similaires (un minimum de 3) : 30%
  • Compréhension des TDRet pertinence de la note méthodologie soumise : 45%
  • Planning : cohérence du programme de travail de la consultance : 5%.